Ella avait fini par s'asseoir à la terrasse d'un café, à l'ombre, près de la vitrine d'un restaurant distingué. Elle poussa un soupir de soulagement, en étendant ses petites jambes galbées sous la table. Enfin seule. Bien qu'elle ne quittait qu'à contre coeur sa petite Jasmine, qui séjournait pour quelques heures chez les Benway, la jeune femme avait cruellement besoin ces derniers temps d'un peu de quiétude, loin de son appartement ou sa boutique.

Elle posa précautionneusement ses croquis, ses esquisses colorées sur la nappe immaculée, en commandant un bon verre de vin. En attendant patiemment, elle se prit à détailler le paysage et les gens autour d'elle. La styliste se contentait de laisser ses pensées vagabonder, inutiles et inoffensives, sans prêter attention aux tenues, aux étoffes, aux silhouettes et à tout cet univers superficiel. Elle ne tourna pas la tête lorsque le verre fut posé sans bruit sur la table, oublia même la politesse ; sa main glissa prudemment sur la table et son index longea silencieusement la courbe du cristal poli.

Alors, avec une douce lenteur, la jeune femme approcha la coupe ronde et pleine de son visage, fit tournoyer délicieusement le liquide pourpre sur lui même qui révéla instantanément ses arômes envoûtants. Elle ferma les yeux tranquillement et se débarrassa discrètement de ses chaussures sophistiquées afin de reposer ses petits pieds nus sur la chaise qui lui faisait face.

Il semblait que le monde autour d'elle s'était tu, et qu'elle plongeait enfin dans un bain moussant de sérénité retrouvée. Elle passa sa main libre dans ses cheveux lisses et fluides, dégageant sa nuque et ramenant d'un seul côté sa chevelure sombre. Sa tête se renversa en arrière avec douceur, elle entrouvrit à peine les lèvres sur le bord du verre, et accueillit avec délice le breuvage qu'elle se refusait habituellement.

Une explosion de saveurs inconnues en bouche lui fit ouvrir les paupières et réveilla ainsi d'une agréable manière tout son corps engourdi par la fatigue. Vinrent ensuite les sensations plus longues, plus intenses, qui fondaient sur la langue. Elle prit le temps de boire lentement, gorgée par gorgée, avant de reposer son verre un plus vide sur le tissu ivoire.